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Les premiers temps, le tribunal masquait mal un sourire amusé en écoutant le vieux monsieur disserter, avec force subjonctifs imparfaits, sur le Conseil constitutionnel, la séparation des pouvoirs et l’incompétence du tribunal quant à juger l’affaire des assistants du Front national (FN) du Parlement européen. Bruno Gollnisch, 74 ans, ancien numéro deux du parti, professeur de japonologie et ancien doyen de la très droitière faculté Lyon-III, était interrogé sur les contrats discutables de ses assistants. Il est accusé d’avoir soustrait 1,41 million d’euros de fonds européens entre 2005 et 2015, pour trois personnes qui travaillaient en réalité pour le FN.
Une petite heure plus tard, mardi 8 octobre, la présidente, Bénédicte de Perthuis, a montré quelques signes d’impatience mais le professeur Gollnisch n’entendait pas abandonner aussi vite la partie et a répondu à côté des questions avec une réelle vivacité d’esprit. Au bout de quatre heures, la présidente lui a demandé de se rasseoir. On plaindrait volontiers son avocat, Mᵉ Nicolay Fakiroff, s’il ne posait à son tour d’interminables questions qui n’ont pour résultat que de jeter une pelletée supplémentaire de charbon dans la locomotive verbale du prévenu, lancé à pleine vitesse.
La présidente s’est fâchée le lendemain. « Qu’est-ce que vous voulez dire que vous n’avez pas déjà dit ? » « Enormément de choses, madame la Présidente », répond onctueusement Bruno Gollnisch. « Vous expliquez toujours les mêmes choses, a coupé Mme de Perthuis, on ne veut pas de généralités, on ne peut pas parler dans le vague. » « Madame la Présidente, je vais être remarquablement précis. Quelques éléments sur la procédure à la Cour de justice de l’Union européenne… » « Ce n’est pas la question qu’on vous a posée, s’agace franchement la présidente. On ne peut pas passer notre temps à vous entendre répéter les mêmes choses. Sinon, on arrête. Allez vous asseoir cinq minutes. » « Si on m’interrompt tout le temps quand je présente les preuves… », grommelle le vieil homme.
Les trois anciens assistants parlementaires de l’ex-député européen ont eu une défense plus classique, mais pas beaucoup plus efficace. Micheline Bruna, la secrétaire particulière de Jean-Marie Le Pen, payée par Strasbourg et censée être aussi l’assistante parlementaire de Bruno Gollnisch, est convenue qu’elle tenait à jour les tableaux des enveloppes des parlementaires et qu’on glissait un nouvel assistant pour un mi-temps ici, quelques jours là, histoire d’éponger le budget gracieusement offert par le Parlement. « C’est vous qui centralisiez les enveloppes budgétaires des députés », confirme le parquet. « Jean-Marie Le Pen me disait : “Untel passera sur tel député”, je prenais les dispositions », admet Mme Bruna. « Mais c’était pour des raisons budgétaires ? » « Ah, je ne sais pas pourquoi ils changeaient d’enveloppes, répond-elle toute confuse contre l’évidence. Je n’avais aucun pouvoir de décision… »
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